Le whisky japonais se distingue des scotchs écossais et autres bourbons par l’harmonie de ses arômes. Tel un grand parfum, il est mis au point par des passionnés ayant élevé la fabrication du whisky au rang d’art. La clé du succès ? Une brillante association de méthodes traditionnelles et d’innovations.
Le succès mondial, puis la pénurie du whisky japonais
Dans l’imaginaire collectif, le whisky ne fait pas partie des boissons typiquement japonaises comme le thé vert ou le saké. Pourtant, depuis quelques années il affole le palais des plus grands connaisseurs, au point même de souffler les récompenses sous le nez des meilleurs whiskies écossais.
On parle régulièrement du whisky japonais sur la scène internationale. Les plus grands experts, comme Jim Murray, l’auteur de la célèbre « Bible du whisky », l’encensent.
En 2014, le spécialiste a lui-même reconnu le Yamazaki Single Malt Sherry Cask 2013 comme étant le meilleur whisky du monde, rien que ça !
Tous ces succès ont provoqué une hausse de la demande, que les distilleries japonaises ont eu du mal à tenir. Aujourd’hui, les whiskies japonais âgés se sont raréfiés… Même avec un budget confortable, difficile de se procurer certains trésors !
Les bouteilles les plus anciennes et les whiskies d’exception ont pratiquement disparu de la circulation. Désormais, on trouve plutôt des bouteilles sans inscription d’âge. Rassurez-vous, ces whiskies nippons sont loin de décevoir et on trouve toujours d’excellents spiritueux.
Deux groupes historiques dominent le marché des whiskies japonais : Suntory et Nikka. Ces deux entreprises ont été les premières à développer le whisky au Japon.
Fortes de leurs nombreuses années d’expérience, ces deux groupes ont appris à perfectionner leur savoir-faire. Parmi les meilleurs whiskies on peut mentionner le Nikka from the barrel, l’une des références en matière de blends. Chez Suntory, impossible d’ignorer l’incontournable Hibiki, un whisky d’assemblage des meilleurs single malts, avec une touche de whisky de grain.
D’où vient le succès du whisky japonais ?
Pour tenter d’expliquer pourquoi les whiskies japonais sont si bons, on peut s’attarder sur quelques spécificités de fabrication. D’abord il faut savoir qu’on ne peut pas parler d’un « style » de whiskies japonais, cela pour plusieurs raisons.
On note d’abord qu’une unique distillerie japonaise utilise différents types alambics, au lieu d’un même modèle. Le but est ici d’obtenir des whiskies variés, pour pouvoir proposer des mélanges plus intéressants.
Plutôt que d’appliquer une recette, les Japonais cherchent avant tout à atteindre la meilleure harmonie d’arômes et de texture. Les fabricants maitrisent parfaitement l’art d’associer méthodes traditionnelles et techniques innovantes pour produire un whisky délicatement équilibré.
Contrairement aux fabricants d’autres pays, les distilleries japonaises ne s’échangent pas les whiskies entre elles pour créer des mélanges. Les assemblages se composent des whiskies d’une même distillerie (ou à la rigueur d’un même groupe). C’est pour cela que chaque distillerie produit des whiskies ayant leurs propres spécificités.
Enfin, le caractère des spiritueux japonais peut s’expliquer par la géographie. Les distilleries japonaises se sont implantées dans des lieux stratégiques, à savoir proche de l’eau ou en altitude. C’est le cas par exemple pour la distillerie Yoichi, qui profite d’une source d’eau souterraine filtrée à la tourbe. En portant une attention particulière à la qualité de l’eau, qui est un élément essentiel pour la fabrication d’un bon whisky, on fait un pas de plus vers l’excellence. Quant à l’altitude, elle permet d’effectuer une distillation basse pression, qui donne des arômes plus fins.
Quels sont les différents types de whisky ?
Le whisky single malt
Il est fabriqué uniquement avec de l’orge maltée et vient d’une seule distillerie. On peut mélanger plusieurs fûts d’une même distillerie. L’intérêt des single malts est qu’ils peuvent présenter des caractères bien définis d’une distillerie à l’autre.
Le blended whisky (ou blend)
Les whisky japonais blended, sont fabriqués à partir d’un mélange (blend se traduisant par mélange) de plusieurs whiskies de malt et de whiskies de grains. Ils peuvent provenir d’une unique distillerie, ou bien de différents lieux.
Blended malt
Le whisky blended malt est assemblé uniquement avec des whiskies de malt, qui peuvent venir de multiples distilleries. On l’appelle aussi vatted malt ou pure malt.
Single cask
C’est un single malt issu d’un seul fût. Il n’y a pas donc pas de mélange de fûts. On peut aussi l’appeler Single barrel whisky.
Cask strength
Ce whisky est mis en bouteille sans réduction d’alcool (donc sans dilution avec de l’eau). Il passe directement du fût à la bouteille.
Whisky de grain
Ce type de whisky vient d’une unique distillerie et on le produit avec diverses céréales non maltées. Les fabricants ont recours à un mélange de maïs, de blé et de seigle (en y ajoutant éventuellement un peu d’orge ou bien d’orge maltée). Un single grain s’utilise le plus souvent pour faire du blended whisky.
Comment choisir un bon whisky japonais ?
Plusieurs critères entrent en jeu pour trouver un bon whisky, mais attention, on ne peut pas toujours s’y fier.
Le type de whisky
Faut-il choisir un whisky single ou blend ? En fait, peu importe si c’est un whisky d’assemblage ou non, ce qui entre en ligne de compte, c’est surtout l’harmonie des arômes. Inutile donc de se précipiter sur les single malts, sous peine de passer à côté d’un excellent blend.
Les arômes
Ils dépendent de la fabrication, mais aussi du type de fût dans lequel le spiritueux a vieilli. Un whisky peut dégager des arômes boisés, épicés, fumés, iodés, fruités ou herbacés. La préférence dépend du goût de chacun.
Whisky tourbé ou non ?
Les whiskies tourbé vous plairont si vous appréciez les parfums fumés et épicés. Vous trouverez des whiskies japonais tourbé chez White Oak, ou provenant de Yoichi. Si vous préférez d’autres saveurs, optez pour un whisky japonais non tourbé comme le Mars Kasei ou bien le Togouchi Blended.
L’âge, le meilleur critère de choix ?
Plus un whisky est vieux, plus il dégage d’arômes. Mais à partir d’un certain âge, il devient plus amer et ses arômes se distinguent plus difficilement. Mais alors, quel whisky japonais choisir ? Un whisky 10 ans ou 12 ans d’âge peut plaire à tout le monde. On réservera les whiskies plus vieux aux connaisseurs et aux palais expérimentés, qui seront les seuls à pouvoir mesurer leurs nuances.
La couleur du whisky
On pensait jadis qu’une couleur foncée indiquait un whisky de qualité. Ce critère de sélection n’a plus vraiment de sens aujourd’hui à cause de l’utilisation du colorant caramel E150. Juger de la robe d’un whisky n’est possible que si son étiquette mentionne clairement qu’il n’y a pas de colorant dans sa composition. Si ce n’est pas le cas, c’est que l’additif est bien présent.
L’histoire du whisky japonais
Les premiers pas des 2 géants, Suntory et Nikka
Les origines du whisky japonais remontent à 1854, quand l’américain Matthew C. Perry le fait découvrir à l’empereur. On considère pourtant que c’est Masataka Taketsuru l’inventeur du whisky japonais. Alors qu’originaire d’une famille de producteurs de saké, il part en Écosse pour étudier la distillation du whisky pendant deux ans. C’est avec les techniques de fabrication et une épouse écossaise qu’il rentrera au Japon.
Il participe à la réalisation des deux premières distilleries de whisky au Japon. La première sera créée par Shinjiro Torii en 1923, il s’agit de la distillerie Yamazaki, dans la préfecture d’Osaka. Cet établissement sera le premier pas vers l’essor du groupe Suntory.
La distillerie Yamazaki s’implante dans une zone humide, idéale pour la maturation du whisky. C’est ici que sera produit le premier whisky de Masataka Taketsuru et Shinjiro Torii : le Suntory White Label. Malheureusement, il ne rencontrera pas le succès.
En 1934, Masataka Taketsuru se lance en solo en créant sa société Dainipponkaju. Elle prendra le nom Nikka en 1952. Il construit sa distillerie sur l’île d’Hokkaido (à Yoichi). Cet emplacement lui permet de profiter du climat, qui ressemble à celui de l’Écosse. Il embouteille son premier whisky en 1940. Le groupe se développe en 1969, avec la construction de Miyagikyo, une deuxième distillerie à Sendai.
Les premiers whiskies japonais copiaient volontairement les spiritueux écossais. C’est d’ailleurs pour cela que l’on construisait les distilleries dans des lieux aux conditions atmosphériques similaires à celles de l’Écosse.
Seconde Guerre mondiale et changements de production
Avec la Seconde Guerre mondiale et la coupure du commerce, les Japonais ne parviennent plus à importer les fûts de chêne américain dont ils se servaient jusque-là pour faire vieillir le whisky. Ils s’adaptent, puis mettent au point leur propre tonnellerie, en utilisant le chêne japonais « mizunara ».
La production s’étend, puis on voit apparaître de nouvelles marques de whisky dans le pays.
Au milieu des années 60, le Japon fabrique du whisky de grain et développe le blended whisky, un assemblage de différents whiskies.
La production des whiskies japonais continue de s’accroitre jusque dans les années 80, avant de diminuer dans les années 2000. En cause, la concurrence des whiskies étrangers, mais aussi du shōchū (une liqueur japonaise).
Le whisky japonais peine à décoller, malgré une reconnaissance mondiale qui arrive avec la récompense Gold à l’International Spirit Challenge de 2003 pour le Yamazaki 12 ans.
Retour en force du whisky japonais à la fin des années 2000
À partir de 2009, le spiritueux trouve une nouvelle popularité, notamment grâce à la mode du highball et du mizuwari, le fait d’associer le whisky avec de l’eau gazeuse ou de l’eau plate. Ces mélanges ne nécessitant pas de whisky haut de gamme, sont à la portée de toutes les bourses.
Si le whisky nippon ressemblait jusqu’ici au whisky écossais, les innovations japonaises lui permettent de s’en démarquer.
Cependant, les blends restent très semblables, puisque les Japonais utilisent des whiskies écossais pour la création de certains mélanges.
En 2007 et en 2008, le Hibiki 30 ans d’âge reçoit la récompense de meilleur blend du monde aux Word Whiskies Awards. Il s’en suit le succès planétaire, la reconnaissance… et la pénurie des meilleurs whiskies japonais !
Comment est fait le whisky japonais ?
Comme pour tous les whiskies, la recette contient des céréales de la levure et de l’eau. Si cela semble simple au premier abord, ce n’est pas vraiment le cas. En effet, la fabrication d’un bon whisky nécessite une expertise particulière, qui passe par la maitrise des différentes étapes : fermentation, distillation, maturation et assemblage.
Le travail de l’orge
La céréale de prédilection est l’orge maltée. C’est une plante résistante, dont les enzymes convertissent les molécules d’amidon en sucres. Les levures interviennent ensuite pour transformer ces sucres en alcool.
La germination de l’orge (également appelée maltage) est la première étape. Au Japon, cette étape s’effectue en malterie. On trempe pour faire germer, puis on sèche l’orge. La germination des grains déclenche la libération de l’amylase et la saccharification (l’amidon se change en sucre). Ce processus dure jusqu’à 8 jours. On obtient ensuite le malt vert, que l’on sèche pour le transformer en farine.
Les grains chauffés reçoivent les premiers arômes. Ce séchage peut s’effectuer au charbon de bois, au séchoir électrique ou bien à la tourbe (ce qui donne un whisky japonais fumé).
La fermentation
L’orge sèche sera réduite en farine (qu’on appelle grist ou moût), avant la fermentation. Lors de cette deuxième étape, on utilise les levures pour transformer les sucres de l’orge en alcool.
L’orge est mélangée avec les levures dans des cuves, jusqu’à ce qu’apparaisse une mousse (2 à 3 jours plus tard). À ce stade, on obtient le wash, une sorte de bière à 8°. L’acidité du wash se convertira en notes fruitées pendant la distillation, grâce à l’effet du cuivre des alambics.
La distillation du whisky japonais
Cette troisième étape se réalise à l’aide d’un alambic, qui sert à séparer les différents composants du liquide par vaporisation. On récupère la condensation qui contient l’alcool et les arômes (le distillat), puis on effectue une seconde distillation.
La distillation se divise en 3 parties : tête, cœur et queue. La tête correspond au début de la chauffe, pendant laquelle le taux d’alcool monte jusqu’à 70%. Le cœur est la seule partie utilisée pour faire du whisky. La queue enfin, arrive quand le niveau d’alcool commence à diminuer.
La température de l’alambic, mais aussi sa forme et le temps de chauffe, ont une influence sur le goût du futur whisky. Comme nous l’avons déjà mentionné, une même distillerie travaille avec des alambics de différentes tailles afin de créer différents single malts.
La maturation en fût
Faire vieillir le whisky est une étape cruciale. En effet, c’est pendant la maturation que le whisky acquiert les arômes du bois et de l’oxydation de l’alcool. Une bonne maturation dépend de la température ambiante, du taux d’humidité et bien sûr, du fût.
Un fût de chêne apporte arôme et caractère au spiritueux. Sa texture poreuse laisse respirer l’alcool et fait perdre 2° d’alcool par an. Cette évaporation s’appelle « la part des anges ».
Les fabricants de whisky japonais utilisent principalement des fûts ayant déjà servi, puisqu’ils permettent d’obtenir plus d’arômes.
La maturation dure au minimum 3 ans pour un whisky et peut atteindre des dizaines d’années. L’affinage a pour but d’harmoniser le whisky. C’est le moment où l’on décide si on fait encore vieillir le whisky dans d’autres fûts.
L’assemblage et la mise en bouteille
Avant l’embouteillage, on mélange le whisky avec des whiskies d’autres fût (à l’exception du single cask, qui lui vient d’un seul fût).
C’est le maître-assembleur qui décide de l’assemblage. Il dose la proportion de chaque whisky pour créer un mélange harmonieux. C’est un travail délicat, que l’on peut comparer à la construction d’un parfum.
Ce sont ces accords qui permettent au whisky japonais de se démarquer des autres.
On pense les mélanges pour qu’ils soient équilibrés, mais aussi pour qu’ils se prêtent à la réalisation du mizuwari et du highball, deux façons de boire le whisky que les Japonais affectionnent particulièrement.
Avant l’embouteillage, on dilue ensuite le whisky avec de l’eau de source pour faire diminuer le taux d’alcool. Il subit aussi une filtration à froid pour ne pas être troublé par l’eau. Une fois mis en bouteille, le whisky n’évolue plus, contrairement au vin.
Comment boire du whisky japonais ?
On peut déguster le whisky de différentes façons : pur, avec des glaçons, avec de l’eau ou bien en cocktail. Les Japonais savourent le spiritueux pendant les repas, le plus souvent avec des glaçons et de l’eau.
Pour en apprécier tous les arômes, vous pouvez le boire de différentes manières :
- Whisky straight : à température ambiante, sans rien de plus.
- On the rocks : ajoutez quelques glaçons pour refroidir le whisky.
- Ice ball : une boule de glace, éventuellement taillée à la main devant vous, remplace les glaçons.
- Mizuwari : mélangez 2 tiers d’eau pour 1 tiers de whisky et ajoutez des glaçons
- Highball : c’est le mode de consommation le plus répandu au Japon. On mélange 2 tiers d’eau pétillante et 1 tiers de whisky.
- Hot Whisky : mélangez 1 tiers de whisky avec 2 tiers d’eau à 80°C.
Découvrez le whisky japonais au Japon
Si vous avez la chance de visiter Tokyo, vous pourrez découvrir les saveurs du précieux liquide ambré dans l’un des nombreux bars à whiskies de la capitale. Profitez de l’Happy Hour pour vous rendre au bar Tsurukame, qui ne propose pas moins de 150 types de whiskies. Pour une ambiance « So British », rendez-vous au Tokyo Whisky Library à Omotesando. Vous pourrez vous détendre dans un fauteuil club, tout en dégustant un bon whisky japonais.
Et si la fabrication du whisky vous intéresse, sachez que les distilleries proposent des visites, dont certaines se déroulent en anglais. C’est le cas notamment de la distillerie Yamazaki et de la distillerie Yoichi. Pour d’autres établissements comme la distillerie Hakushu et la distillerie Mars Shinshu, il faudra comprendre le japonais pour apprécier l’expérience. Même si vous ne parlez pas la langue, vous pourrez quand même profiter de la dégustation, toujours avec modération !
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.