Nous allons bientôt célébrer Halloween, c’est donc le moment idéal pour explorer la diversité des masques japonais traditionnels. Les Japonais appellent les masques komen, ce qui signifie visage passager. Tantôt terrifiant, énigmatique ou joyeux, ce visage emprunté peut afficher différentes émotions. La variété de masques nippons offre de multiples possibilités de déguisements, mais aussi de décorations. Certaines pièces sont si belles que l’on peut largement les accrocher au mur. En plus, il paraît que certains masques, bien qu’effrayants, portent bonheur.
Aux origines des masques japonais : rites religieux et théâtre
L’idée de se couvrir le visage avec un masque est quasiment aussi vielle que l’humanité. Le pays du soleil levant ne fait pas exception, puisqu’il existe des masques japonais datant de la préhistoire. À partir de la période d’Asuka (vers le milieu du 6e siècle), les masques sont utilisés lors de cérémonies religieuses, appelées Gigaku ou Kure-gaku. Pendant ces évènements, on pouvait voir des danseurs masqués, ayant recours au mime muet sur de la musique.
Plus tard, aux environs du 14e siècle, les masques traditionnels réapparaissent. Ils sont utilisés dans le théâtre Nô, cet art dramatique inspiré des rituels religieux. À l’époque, on offrait une représentation pour demander des récoltes abondantes ou d’autres grâces aux dieux. Les masques du théâtre Nô s’appellent les Nômen. Chaque masque Nô appartient à une catégorie de personnage, à savoir : les divinités, les hommes, les femmes, les vieillards et les démons (que l’on appelle yokai).
Il existe ensuite un grand nombre de sous-catégories dans lesquelles les masques peuvent porter jusqu’à 100 noms. Le théâtre Nô n’était pas la seule expression artistique de l’époque. Le Kyôgen, un style de théâtre classique était également très apprécié. Le théâtre Kyôgen, que l’on pourrait traduire par « folles paroles », a pour but de faire rire le public. À l’origine, il s’agissait d’un intermède comique, ayant lieu entre les pièces de Nô.
Ce moment satirique rend drôle des situations quotidiennes qui ne le sont pas. Dans le Kyôgen, on utilise peu de masques. Dans l’éventail des œuvres existantes, on ne compte qu’une vingtaine de pièces ayant recours aux masques Kyôgen. Ces masques représentent principalement des dieux, des animaux ou encore des esprits. Le personnage humain de la pièce ne porte pas de masque, car il doit réussir à faire rire le public avec ses expressions faciales.
Les masques japonais du théâtre Nô
La fabrication d’un masque traditionnel est très exigeante. Les masques Nô sont sculptés dans du bois de cyprès, peints et laqués. L’artisan ajoute ensuite quelques détails à l’encre de chine, ainsi qu’une chevelure. La difficulté de fabrication réside non seulement dans la forme du masque, mais aussi dans le travail sur les couleurs, les ombres et les lumières. Un masque réussi, doit pouvoir exprimer différentes émotions quand on l’incline vers le bas ou vers le haut. C’est à ce prix que le comédien peut faire vivre son personnage sur scène. Les jeux d’ombres et de lumières permettent de restituer des états d’âme comme la joie, la tristesse et la peur, sur un seul et unique masque. Il existe 250 masques japonais Nô, dont 60 modèles de base.
Le masque Hannya
C’est sans doute le masque japonais le plus connu. Il représente le fantôme d’une femme de retour pour se venger, le plus souvent des hommes. D’après la légende, Hannya était jadis une femme qui aurait souffert à cause de l’homme qu’elle aimait. C’est ce qui expliquerait sa soif de vengeance et sa jalousie maladive. Il s’agit d’un Oni, une sorte de yokai semblable à un ogre.
Le visage de ce fantôme vengeur est très reconnaissable. Un large sourire inquiétant traverse sa face plutôt angulaire. De longues canines s’échappent de sa bouche terrifiante. Son expression de douleur est traduite par ses grands yeux, qui semblent à la fois tristes et en colère. Enfin, ce masque est souvent surmonté de longs cheveux noirs ébouriffés, desquels dépassent deux cornes pointues.
Les masques d’Hannya peuvent être de différentes couleurs pour transmettre des intentions particulières. Par exemple, un masque rouge représente la jalousie, tandis que le vert traduit la rage et la colère. Ce masque complexe peut montrer différents aspects selon l’inclinaison de la lumière. Quand on le penche vers le bas, il semble triste et désespéré. Une fois redressé, ce oni semble bouillir de rage. Mais Hannya n’est pas qu’un simple démon vengeur. Les racines de son nom signifiant « sagesse » ou bien « conscience supérieure » lui confère aussi le statut de protectrice contre les mauvais esprits. C’est sans doute ce double aspect qui fascine et qui explique sa popularité. On trouve régulièrement cette entité dans les œuvres de fiction, ou encore sous forme de tatouages artistiques.
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Il existe 3 variations, ou plutôt 3 niveaux de Hannya. Le premier se nomme Hannya Namanari. C’est un démon encore faible, qui garde globalement un aspect humain, avec pour seule particularité, deux petites cornes. Ensuite, Hannya Chunari, possède un visage de démon, ainsi que des cornes plus proéminentes. Le dernier stade, Hannya Honnari est un démon très puissant, qui n’a plus grand-chose à voir avec un humain. Elle est dotée d’un corps de serpent, possède des griffes, une langue fourchue et crache du feu. Cet être peu fréquentable, a perdu tout lien avec son humanité à cause de la jalousie. Elle est à jamais piégée dans ce corps de démon.
Le masque traditionnel Onnamen
Ce sont les masques traditionnels de femmes. Il en existe 3 types : le masque de jeune fille, de femme d’âge moyen et de vieille femme. Pour les jeunes femmes, la dentition noircie contraste avec les lèvres peintes en rouge. Les femmes entre deux âges ont un visage plus fin et ne sourient pas. Elles ont également les paupières plus lourdes. Finalement, les masques japonais de vieilles femmes arborent des traits creusés, avec les lèvres vers le bas. Quelques rides s’ajoutent sur le front et sur les joues.
Chujo, le masque du jeune aristocrate
Ce masque représente un jeune homme de bonne famille. Il a un visage plutôt banal, avec un nez assez épais, aux narines dilatées. Il affiche une expression mélancolique avec ses sourcils haut et froncés. Sa bouche ouverte dévoile la rangée supérieure de ses dents noircies (comme cela se faisait chez les aristocrates du Japon d’antan).
Sankôjô, le vieillard
C’est un masque de vieil homme au visage marqué par les rides. Ses lèvres sont rouges, laissant apparaître ses dents. Il a quelques mèches de cheveux sur la tête, ainsi qu’une barbiche en crin. Il peut représenter un patriarche ou le fantôme d’un guerrier mort au combat.
Ôbeshimi, le masque japonais de démon maléfique
Ce masque représente le visage d’un démon, comme ses yeux dorés le montrent. Ses traits sont forcés, sa bouche est fermée sur une expression renfrognée. Il a de gros sourcils bougons, un nez imposant et un petit front. Ce personnage peut évoquer un roi des enfers, mais aussi un esprit maléfique.
Les masques japonais kyôgen
Usobuki et son drôle d’air
Ce masque est très reconnaissable à ses yeux ronds grotesques et à sa bouche « en cul de poule », comme s’il sifflait. Il a quelques rides d’étonnement sur le front, de fins sourcils noirs en oblique, ainsi que quelques poils qui forment une moustache et une barbe. Usobuki représente la vacuité de la condition humaine.
Hyottoko, le clown de service et Okame, le visage de la gaieté
Avec sa bouche de travers, on dirait qu’Hyottoko s’apprête à nous siffler sa chanson préférée. Il a un œil plus petit que l’autre et un air étrange. S’il a cette expression particulière, c’est parce qu’il souffle sur le feu, à l’aide d’une pipe en bambou.
Okame est sa compagne. Cette femme au visage chaleureux est synonyme de bonne fortune et de longévité. Elle affiche un sourire enfantin, pris entre deux joues bien rondes, qui traduisent la bonhomie. En dehors de son utilisation au théâtre, ce masque peut aussi s’accrocher au mur, comme un porte-bonheur.
Kitsune, le renard facétieux
Dans le folklore japonais, Kitsune est un yokai, c’est-à-dire un esprit. Il est doté d’une grande intelligence, de pouvoirs magiques et peut avoir jusqu’à 9 queues. La croyance populaire veut que le renard n’obtienne de queues supplémentaires qu’à partir de 100 ans. Plus il a de queues, plus il est ancien et plus grande est sa puissance.
On dénombre deux sortes de kitsune. D’abord ceux que l’on appelle les Zenko, ou « bons renards ». Ces entités, associées à la divinité Inari (la divinité du riz), sont bienveillantes. À l’inverse, les Yako, « renards des champs » sont beaucoup moins sympathiques et peuvent faire des farces plus ou moins malveillantes. Ils peuvent notamment séduire sous la forme d’une belle femme, voler ou encore provoquer la confusion en induisant des visions.
Dans la religion shinto, le renard est la déesse de la prospérité et des récoltes. Près de Kyoto, dans le sanctuaire Fushimi Inari Taisha, on célèbre cette divinité en exposant de nombreuses statuettes de kitsune portant un foulard rouge.
Les célébrations autour de Kitsune
Kitsune est une figure très populaire dans la culture nippone. Lors des matsuri (festivals japonais), il n’est pas rare de croiser des personnes portant un masque kitsune.
Le « kitsune no yomeiri » que l’on traduit par « les noces de renard » est un festival qui célèbre une ancienne légende. Selon cette histoire, les feux follets des bois correspondent au souffle des renards. Puisqu’il y en avait souvent deux en même temps, les gens ont imaginé qu’il s’agissait de l’union de deux renards. Quand ce festival a lieu, on met à l’honneur un couple déguisé, qui représente les deux renards unis.
Dans la ville d’Ôji, se déroule chaque année le réveillon du nouvel an des renards. La légende raconte que le 31 décembre au soir, les renards de la région se regroupent sous un arbre à Ôji. En respirant, ils produisent des feux follets, dont le nombre doit prédire l’ampleur des récoltes de riz. Pour continuer à faire vivre cette légende, les habitants de la ville d’Ôji se griment en renards, portent des lanternes et forment un cortège pour se rendre jusqu’au temple d’Ôji. Une fois sur place, les participants célèbrent ensemble la première prière de l’année.
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D’autres masques japonais
Namahage, le père fouettard japonais
Ce drôle de personnage apparaît lors d’un rituel du nouvel an dans la péninsule d’Oga. Lors de cet évènement, des jeunes gens déguisés en démons visitent les habitants. Chaque monstre demande aux habitants si leur maison abrite un enfant paresseux ou désobéissant. Les démons font peur aux enfants, puis leur disent d’être obéissants et de mieux travailler.
Il suffit que les parents assurent qu’il n’y a pas de mauvais enfant chez eux pour calmer ces personnages inquiétants. Faire don de quelques offrandes (nourriture et alcool), achève de les apaiser et permet de profiter de leur bénédiction.
On utilise un masque rouge pour un oni masculin et bleu pour un démon féminin. Ces masques sont confectionnés en papier mâché, mais peuvent être différents selon les villages. Cependant, le masque arbore toujours des traits inhumains : de gros yeux dorés, d’épais sourcils furieux, un nez large et de longs crocs sortant d’une grande bouche. Pour compléter le costume, on ajoute une tenue en paille de riz, des sandales de paille waraji, un couteau et un seau. Ces créatures sont conçues pour terrifier les enfants et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce but est largement atteint !
Tengu, le démon colérique
À mi-chemin entre le chien, l’oiseau et l’humain, on trouve Tengu. On reconnait ce yokai à son nez proéminent, qui prend parfois la forme d’un bec. Son nom signifiant « chien céleste » est assez trompeur, puisque Tengu n’a plus grand-chose du chien.
Son visage cramoisi, ses gros sourcils, ainsi que ses yeux dorés passent presque inaperçus à côté de son nez exagérément long. On le représente parfois avec une longue chevelure noire et des ailes.
La religion bouddhiste considérait jadis Tengu comme l’annonciateur de guerres. Au fil du temps sont image de perturbateur s’est adoucie. Il existe même des contes populaires qui parlent de Tengu comme d’un protecteur.
Aujourd’hui, Tengu apparaît dans les œuvres de fiction, les mangas et les animés. À Hokkaido, vous pouvez assister au Festival de la traversée du feu. Il a lieu à la nuit tombée, dans le sanctuaire Ebisu. On entend d’abord raisonner le tambour, puis le son de la flûte. Des hommes font ensuite un grand feu, que Tengu devra traverser à plusieurs reprises.
Pour ajouter à la difficulté de l’acte, la personne déguisée en Tangu porte non seulement un masque imposant, mais aussi les plus périlleuses des chaussures Geta, les Tengu Geta. Ces chaussures sont pourtant assez peu pratiques pour traverser d’impressionnantes flammes.
Menpô, l’autre visage du samouraï
En plus de l’armure, du casque et du katana, les samouraïs utilisaient des masques bien particuliers pour impressionner leurs ennemis. Ces masques, appelés menpô ou mengu existaient sous diverses formes. Ils pouvaient servir à protéger le visage ou à apeurer les adversaires en prenant l’aspect d’un visage démoniaque. De quoi impressionner n’importe quel combattant !
Un menpô peut couvrir tout le visage, comme c’est le cas des menpô de type happuri et somen. Ce type de masque peut aussi ne couvrir qu’une partie du visage. C’est le cas du masque de type hoate, qui protège uniquement les pommettes.
Le menpô me no shita men couvre la moitié inférieure du visage, tandis que le nodowa couvre les pommettes et le menton. Ces masques étaient fabriqués en fer, voire en cuir. Ils pouvaient être très détaillés, notamment avec des dents et une moustache. Détail pratique, ils avaient un petit trou sous le menton pour permettre à la sueur de s’évacuer.
Le masque sanitaire, le plus actuel
On ne pouvait pas parler de masques japonais sans évoquer le masque facial. Qu’il s’agisse d’un masque en tissu, d’un masque chirurgical ou bien fait maison, impossible d’y échapper !
En temps de COVID, mieux vaut sortir masqué. Malheureusement, les renards célestes et autres yokai ne vous seront d’aucune utilité face au virus. Une seule solution : le masque sanitaire associé aux gestes barrières !